V.
TJUPAS Legkaja
Atletika (URSS) n°12 - 1978
COMMENTAIRE
Cette
analyse a été réalisée à partir de mesures faites à l'aide de
plateformes dynamométriques placées à l'impulsion et à la
réception d'un obstacle, doublées pour 5 athlètes, d'une prise de
vues. Cette étude particulièrement intéressante a le mérite
d'être objectivée par des mesures précises à partir desquelles on
est amené à d'autres observations en complément de celles de
l'auteur.
Il
serait judicieux de procéder à une étude comparée des résultats
recueillis à partir d'athlètes de niveau identique, s'organisant de
façon différente par nécessité morphologique, et de pouvoir
emmagasiner les images et aussi les mesures des forces lors de
l'avant dernier appui ainsi que les vitesses de franchissement.
F.
URTEBISE
Dans tous les articles
traitant de la technique de la course de haies, on oublie très
souvent de mentionner certains éléments très importants comme les
caractéristiques biomécaniques intra-cycliques et en particulier
les différentes phases des forces articulaires.
Pour
notre part nous avons traité le problème de la façon suivante :
partant de la relation qui existe entre la vitesse de course et les
réactions d'appui, si l'on détermine les différentes phases de la
force dégagée au niveau des articulations, on peut savoir comment,
et en fonction de quoi s'organisent les différents éléments de la
technique de course en corrélation avec sa vitesse.
Une
fois ces question résolues, il devient possible de dégager
certaines recommandations à l'usage des athlètes.
Notre
expérience a porté sur 12 coureurs de niveaux différents.
Les
réactions de l'appui ont été enregistrées à l'aide de deux
plateformes de tension placées respectivement devant et derrière
l'obstacle.
La
course a eu lieu avec départ accroupi.
On
a également procédé à une double prise de vues stroboscopique de
la course de 3 athlètes, en même temps que l'on enregistrait les
réactions d'appui.
A
partir des données initiales, on a calculé :
-
les forces et les impulsions maximales et moyennes de trois réactions d'appui,
-
les caractéristiques temporelles et spatiales
-
les caractéristiques cinématiques ultra cycliques linéaires et angulaires
-
les forces jouant à l'intérieur des masses les forces articulaires et leurs phases, pour les différents segments des deux jambes.
CARACTÉRISTIQUES
TEMPORELLES ET SPATIALES
La
vitesse de franchissement des obstacles est de 6,5± 0,71 mètre/sec.
La
longueur de la foulée, au moment du passage 3,47± 0,17 m.
La
distance depuis l'emplacement de l'appel jusqu'à l'obstacle, et de
l'obstacle jusqu'à l'emplacement de la réception est respectivement
de 2,08±0,09 m et 1,39±0,13 m.
Les
résultats de l'analyse corrélative et de l'analyse non linéaire et
régressive n'ont pas mis en évidence de relation fiable entre la
vitesse de course, la taille de la foulée de franchissement et les
distances entre emplacement d'appel - obstacle et obstacle-
emplacement de réception.
I1
ressort donc que la longueur de la foulée de franchissement et ses
caractéristiques propres dépendent de la longueur des jambes et du
style de course. Ce que viennent confirmer les données de
V.BALANCINEB (1977).
Par
ailleurs se sont avérées justes les conclusions de nombreux
chercheurs sur le lien très étroit existant entre la vitesse de
course et la durée de la phase de passage de l'obstacle où il n'y a
pas d'appui (le coefficient de corrélation est ici égal à 0,86).
REACTIONS
D'APPUI
La
vitesse de course s'est avérée liée de façon positive au maximum
de la composante verticale et de façon négative à la valeur
absolue de l'impulsion de freinage, au niveau de la composante
longitudinale de la réaction d'appui lors de l'appel (Fig. 1).
Les
corrélations sont égales respectivement à 0,75 et 0,78.
En
d'autres termes : les coureurs de haies de haut niveau sont moins
freinés et, par là même, présentent un angle de déviation du
centre de gravité beaucoup moins important. Leur trajectoire de
passage est relativement douce.
Tout
cela confirme les théories de V.EISTJAKOV et de V. BREJZER (1971)
concernant les divers procédés d'accélération de la vitesse lors
du passage de l'obstacle.
En
partant des réactions d'appui, nous avons mis en évidence un
coefficient lié à la vitesse de passage de l'obstacle (relation
corrélationnelle=0,82) et que l'on peut utiliser pour évaluer
l'efficacité de l'action réciproque vitesse-appui.
Ce
coefficient est égal à une fraction où le numérateur est la somme
des impulsions de l'appel, et le dénominateur la somme des valeurs
absolues de toutes les impulsions de freinage des composantes
longitudinales au niveau des réactions d'appui lors de l'«attaque»
de l'obstacle et de la réception après l'obstacle.
Les
impulsions d'appel ont les valeurs suivantes 0,85=0,77 kgss, et 1
82±, 0,66 kgss (lors de la première et 2ème phase d'appui). Les
impulsions de freinage ont comme valeur : 6,36±3,9 kgss et 1,81 kgss
(lors de la 1ère et de la 2ème phase d'appui). Le coefficient est
alors égal à 0,509±0,367.
A
son tour, la diminution des valeurs absolues du freinage est
déterminée par la réduction des temps de freinage (relations
corrélationnelles respectivement équivalentes à 0,80 et 0,88 pour
chacune des Phases). La durée du freinage est liée négativement à
la vitesse de la course (relations corrélationnelles respectivement
égales à 0,72 et 0,62, pour chaque phase de l'appui).
Tout
cela nous permet de tirer la conclusion suivante : les coureurs les
plus qualifiés présentent un indice de freinage, lors de l'attaque,
particulièrement faible; par conséquent, la perte de vitesse du
centre de gravité génèrale de leur corps est elle aussi moins
importante; et la trajectoire de leur passage de l'obstacle moins
brusque. Tout cela grâce à une réduction de la durée du freinage
(dont les valeurs moyennes équivalent à 105±22m/sec, pour un temps
d'appui de 144±45 m/s.)
L'APPEL
Il
est possible de réduire le temps de freinage :
-
soit en posant la jambe d'appel plus verticalement
-
soit en augmentant la puissance au niveau des articulations de la hanche et des genoux
-
soit en conjugant les deux procédés.
I1
est évident que l'on ne peut pas faire varier indéfiniment l'angle
de pose du pied. Naturellement, il doit correspondre de façon
optimale à la vitesse de la course, à la masse du corps de
l'athlète et à ses capacités de vitesse force.
Dans
le cas contraire , on risque de ne pas avoir suffisamment de temps
pour développer l'impulsion de la force verticale (par conséquent
la trajectoire de franchissement ne sera pas suffisamment haute) et
l'athlète ne pourra passer l'obstacle. Aussi, le rôle le plus
déterminant lorsqu'il s'agit de réduire le temps de freinage peut
être joué par les divers moments de force.
Sur
la figure 1, on peut voir qu'avant la phase d'appui, au moment de
l'attaque, et juste à son début les moments de force dans les
articulations proximales des deux jambes provoquent leur
rapprochement :
-
au niveau de l'articulation coxo-fémorale de la jambe d'appel, le moment d'extension se développe alors que sous l'action du poids du corps et des forces d'inertie, la cuisse se plie (dessin 2)
-
au niveau de l'articulation du genou, c'est la phase de flexion de la jambe qui se développe(dessin 1) comme si le coureur voulait «attirer l'appui sous lui».
Le
moment de force au niveau de l'articulation coxo-fémorale de la
jambe libre, est ici aussi développé lors de la flexion de la
cuisse.
Ce
sont précisémment les efforts mis en oeuvre par les articulations
coxo-fémorales qui sont susceptibles de réduire le temps de
freinage et d'assurer un passage rapide vers la phase d'appel.
Ici
les moments de force au niveau de l'articulation des hanches
coïncident avec les vitesses angulaires des cuisses (dessins 1 et 2)
Pourtant,
le reste du temps cette coïncidence lors de la période d'appui est
relativement insignifiante.
Si
au début de la phase d'appui, la hanche de la jambe libre, sous
l'action de la force exercée au niveau de l'articulation
coxo-fémorale accuse une accélération de la flexion, par la suite,
cependant, la progression de la vitesse est ralentie.
Cela
se produit à la suite d'une brusque poussée lors de la phase
d'extension qui augmente une nouvelle fois par la suite. Ce qui
entraine un ralentissement par inertie de la flexion de la cuisse.
Aussi.
il faut quelque peu corriger le conseil habituellement donné «au
dernier moment de l'appel, il faut veiller à produire un mouvement
actif aussi bien au niveau de la jambe libre, que du buste et des
bras» : en effet, cette recommandation n'est valable que pour le
premier tiers de la période d'appui.
La
cuisse de la jambe d'appel se détend après le premier tiers de la
phase d'appui. Mais le moment de la force au niveau de
l'articulation coxo-fémorale, est orienté vers la flexion et opposé
au moment de la force dans l'articulation identique de la jambe
libre.
Les
moments de la force au niveau des articulations distales de la jambe
d'appel sont pratiquement tout le temps orientées vers un
amortissement et contre une réduction angulaire dans l'articulation
du genou et de la cheville. Le pied descend au début, sous l'action
du poids du corps et des forces d'inertie, alors que la jambe se
fléchit (dessin 2). L'action des différents moments de la force
conduit à une flexion du pied et à un redressement de la jambe, au
niveau des articulations du genou et de la cheville.
Toutes
ces données nous montrent que la cuisse de la jambe d'appui ne
participe pas activement à la propulsion de l'athlète (poses 2-3
dessin 1).
Ces
données s'accordent, par ailleurs, avec des éléments de la
biodynamique de la marche, de la marche :sportive, et de la course de
sprint.(cf. V. Zaciorskij et autres. 1977).
En
même temps, les articulations distales jouent le rôle de maillons
dans l'organisation du mouvement d'appel vers l'avant et vers le
haut. Et c'est seulement lors de la phase suivante de la période
d'appui, que le moment des forces se développe au niveau de
l'articulation coxo-fémorale, et ce moment est dirigé vers une
extension de la cuisse.
On
n'observe rien d'analogue dans les autres modes de locomotions que
nous venons d'énumérer (marche ... etc...)
Il
est probable que cela est lié au caractère très spécifique du
travail des bras et du buste au moment de l'appel; en tous cas, cela
mérite une étude particulière.
Une
des particularités les plus caractéristiques du mouvement des
différents segments de la jambe libre est le geste de la jambe
(littéralement «envoyée vers l'avant») qui se produit par suite
d'une flexion de la cuisse et en entrainant le développement du
moment d'extension au niveau de l'articulation du genou, au tout
début de la période d'appui (pose 1-2 dessin 1). Mais le mouvement
de la jambe est freiné par la suite sous l'action du moment de force
de flexion.
PÉRIODE
SANS APPUI
Le
début de cette période est caractérisé par une absence
pratiquement totale de rotation au niveau de la cuisse de la jambe
libre, jusqu'au moment ou le genou franchit la haie et ou le
mouvement de «chasse» de la jambe se ralentit. Les moments de la
force, dans les articulations correspondantes, sont dirigés vers
l'extension de la cuisse et la flexion de la jambe, c'est-à-dire :
contre leurs forces d'inertie. Ils déterminent la position de la
jambe libre.
Il
est caractéristique qu'à partir du moment où débute le deuxième
tiers de la phase d'appui et pendant toute la période d’ »envol »,
on enregistre une certaine activité au niveau des quadriceps (B.
NIKITIN 1970) de l'extenseur de la cuisse et du fléchisseur de la
jambe.
La
cuisse de la jambe d'appel est fléchie sous l'action du moment de
force dirigé vers la flexion.
Dans
son ensemble, l'action des moments de force au niveau des
articulations proximales correspondantes des deux jambes s'exerce
dans des directions différentes et conduit à un rapprochement des
deux cuisses.
Dès
que le genou de la jambe d'appel a franchi l'obstacle, la vitesse de
flexion de la cuisse décroit brutalement sous l'action du moment de
force, dirigé vers son extension (pose n°6, fig. 1). L'action du
moment de flexion, au niveau de l'articulation coxo-fémorale de la
jambe libre entraine un abaissement de la cuisse jusqu'à ce que le
genou franchisse la haie.
La
jambe se fléchit dès que le pied passe la haie (dessin 2, pose 6).
PERIODE
D'APPUI A LA SORTIE DE L'OBSTACLE.
Ici
on remarque que le mouvement de rotation de la cuisse (jambe d'appel)
et du moment des forces (au niveau de l'articulation coxo-fémorale -
Fig 1-2, pose 7-8) ont des directions différentes.
La
cuisse de la jambe qui franchit latéralement la haie, sous l'action
du moment de l'extension, s'abaisse, tandis que le mouvement de
«chassé» de la jambe ralentit sous l'action du moment de flexion
Ici
aussi on enregistre une action importante des muscles de
l'articulation coxo-fémorale, exercée sur les cuisses des deux
jambes, et qui provoque le rapprochement des deux cuisses pendant
toute la durée de la période d'appui.
Au
niveau des articulations distales de la jambe d'appui, les moments
tendent vers l’amortissement, lui même suivi d'un mouvement de la
jambe qui se repousse du sol.
Tout
comme lors de la lère période d'appui, on remarque ici aussi un
mouvement d'amortissement du pied suivi d'une rotation rapide dans le
sens des aiguilles d'une montre.
Dans
l'ensemble, on peut dire que dans le mouvement de prise d'appel, ce
sont les articulations distales qui jouent le plus grand rôle.
CONCLUSIONS
ET RECOMMANDATIONS PRATIQUES
-
Les athlètes de haut niveau passent l'obstacle en perdant moins de vitesse, au moment de l'appel.
-
Il est possible de réduire la perte de vitesse en réduisant le temps de freinage. Cela s'obtient grâce à un effort soutenu des muscles des articulations coxo-fémorales des deux jambes afin de rapprocher les 2 cuisses au maximum. De même, on y parvient grâce aux efforts des articulations des genoux pour que la jambe d'appel sefléchisse et que la jambe libre effectue un mouvement de «chassé».
-
Il est tout à fait justifié de recommander un mouvement très accentué de rapprochement des cuisses. avant et au début du mouvement d'appui lorsqu'on attaque l'obstacle.
-
A partir du 2ème tiers de la période d'appui, il convient d'accentuer le freinaje de la jambe libre.
-
A la descente de l'obstacle, au début de la période d'appui, il faut veiller très attentivement à rapprocher les cuisses.
Figure
1 :
graphiques des moments de
forces au niveau des articulations du sujet testé.
- Vitesse de passage de
l'obstacle : 7,22 m/sec.
- Longueur de la foulée de
saut : 3,3 m, et de ses composantes : 2,01 m
1,28 m
- Durée des temps d'appui :
0,132 sec.
0,16 sec.
- Durée de la période sans
appui : 0,34 sec.
Légende : 1,2,3 -
moments de force au niveau des
articulations (en Newtons).
a) du pied
b) du genou
c) coxo-fémorale
- de la jambe d’appui
(ligne pleine)
- de la jambe libre
(pointillés)
Figure 2 : Graphiques
des vitesses angulaires
par rapport à l'horizontale
(en rad/sec).
- du pied (1)
- - des jambes (2)
- - des cuisses (3)
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